Ce que j’écris ci-après est « spéculatif », donc à considérer avec prudence et n’engage que moi :
A l’époque de Guilliam de Neve (1ère moitié du XVIIe siècle) le « langage symbolique » tient toujours une grande place, quoiqu’un peu moindre qu’au milieu du XVIe siècle… Ce langage sert bien souvent à exprimer des points de vue divergents que l’on ne peut exprimer trop clairement de crainte de se voir ostraciser.
Marquer un désaccord, c’est dire « non ». Il peut y avoir différentes façons d’exprimer symboliquement un « non ». Si l’on prend la plume, et que l’on écrit « non », tant en français qu’en néerlandais, on écrira : NON ou NEEN. Ces mots, dans nos deux langues, sont des « formes » intrinsèquement et symétriquement « miroir ». Dans NEEN, « NE » a son miroir « EN ».
Je pense que Guilliam de Neve a voulu marquer un désaccord, un « non », un « neen ».
En quelque sorte exprimer : « Guilliam de Neve n’est pas d’accord », « Guilliam de Neve dit Non », « GDN dit NON », « GDN NEEN », « G D NEEN ».
Symbolisé au final par : « G D И » où И, forme miroir de N, exprime la forme miroir NEEN. C’est en langage symbolique l’une des manières la plus économe en signes d’exprimer son désaccord personnel.
Mais un désaccord qui, précisément en 1644, porterait sur quoi ?
Là je renvoie à un texte écrit par Pol Arent (Noord-Nederlandse muntgewichten, blz. 28) :
“In 1644 wendde de Amsterdamse muntgewichtmaker Gerrit Geens zich tot het college van Raden en Generaal-Meesters van de Munt (RGMM) met de vraag wat precies de massa moest zijn van de nieuwe jacobus of carolus. Hij verklaarde zijn blokjes voor deze munt - de Engelse pound laurel of unite van 1619-1643 - steeds 5 engels 29 aas te maken (=9,084g), zoals opgegeven stond in de Zuid- Nederlandse Beeldenaer van 1640. Stadgenoot Guilliam de Neve maakte de desbetreffende blokjes echter op een massa van 30 aas schaars (= ca. 9,120g) (H. Tieleman; 5 engels en 30 aas = 9,132 gram), ’t welck hier groote confusie geeft, insonderheyt aen de cassiers, die om proffeyt te doen ordinaris twee blocken gewicht hebben, een om met te ontfangen, een ander om met wt te geven, ’t welck hier veel questie maeckt.
Na overleg van RGMM met Geens en De Neve werd de norm gesteld op de laagste massa (H. Tieleman; dus op 9,084 gram) en dat was zeker ook het meest conform de waarheid: de wettelijke massa van de bewuste muntsoort was 9,10g, waarbij nog geen rekening is gehouden met de remedie.”
En résumé, Gerrit Geens sollicite en 1644 le Conseil des Maîtres de la Monnaie (RGMM) pour lui demander quelle doit être exactement la masse du nouveau Jacobus ou Carolus, lui-même produisant les poids monétaires de cette monnaie au calibre de 9,084 grammes. Il diverge en cela de Guilliam de Neve qui produit les poids monétaires de cette même monnaie à un calibre plus élevé de 9,120 grammes. Le RGMM tranche en faveur du poids le plus faible, celui qu’a adopté Gerrit Geens.
Il est possible que Guilliam de Neve étant contraint de tenir compte (à « contre cœur » ?) de l’avis formulé en 1644 par le RGMM ait « marqué » une forme subtile de désaccord en demandant à son graveur de graver autant que possible des matrices de poids monétaires de l'inscription « 1644 G D И »…
Jean Luc
Nota : Les balanciers-ajusteurs étaient les maîtres de la précision, de la rigueur, de la perfection du travail bien fait dont ils étaient particulièrement fiers. La « très grande qualité » des boîtes de poids monétaires encore en circulation de nos jours, proposées aux enchères et/ou possédées par les musées et les collectionneurs, le démontre. Aussi il semble très étonnant que Guilliam de Neve ait pu commercialiser des boîtes de poids monétaires dont certains poids portaient une marque au N fautif. Vu le très grand nombre de poids (au N fautif) produits et datés spécifiquement du millésime « 1644 » on ne peut imaginer qu’il ait pu laisser perdurer une telle faute sans réagir. S’il n’a pas réagi c’est qu’il agissait avec une intention délibérée. D’autant que les autres points de sa marque « à la dague » (l’orientation des « volutes » de la garde et celle de la « flamme » de la lame) sont restés inchangés.