Bonsoir,Voici un sceau byzantin en plomb, avec quelques manquements de frappe tant à l’avers qu’au revers. Je vous livre les étapes de mon déchiffrage pour avis.
7.45 gr ; 26 mm max.
Le droit se déchiffre assez facilement. Un « monogramme invocatif cruciforme », que l’on retrouve dans le classement établi naguère par le Père Vitalien Laurent un éminent orientaliste, breton de naissance, mort au travail en 1973 : https://www.persee.fr/doc/rebyz_0766-5598_1974_num_32_1_1479
Il s’agit ici du type X qui se décline en Κύριε βοήθει
Dans les quadrants, on déchiffre, malgré quelques manquements, Tω Cω Δȣ Λω. Un tétragramme qui se décline en τῷ σῷ δούλῳ
Le droit (croix et quadrants) s’exprime donc ainsi : Κύριε βοήθει τῷ σῷ δούλῳC’est-à-dire : Seigneur, aide ton serviteur Le nom puis les qualificatifs du « serviteur » sont exprimés au revers.Ce revers est nettement plus complexe à déchiffrer que le droit.
En première ligne, nous lisons : RACH sans doute précédé d’une croisette (+)Il s’agit ici de « Basile » sous la forme (+) RACH(Δ) pour (+) Βασηλ(είῳ)A ce stade, nous lisons donc : Κύριε βοήθει τῷ σῷ δούλῳ ΒασηλείῳSeigneur, aide ton serviteur Basile Viennent ensuite, sur les 4 lignes qui suivent, les différents qualificatifs de notre Basile.
En deuxième ligne, nous lisons : ’ A’ CΠΑΘDu fait de l’apostrophe bien visible, qui précède le A, il faut lire : (R)’ A’ CΠΑΘC’est-à-dire, lire : β’ α’ σπαθ, autrement dit β(ασιλικῷ) (πρωτο) σπαθ(αρίῳ)Plus exactement : βασιλικῷ πρωτοσπαθαρίῳCe qui s’interprète en « protospathaire impérial »A ce stade, nous lisons donc : Seigneur, aide ton serviteur Basile, protospathaire impérial
En troisième ligne, nous lisons : T, OIKϵ Que nous pouvons relier à l’expression « assez bien connue » du type : (ϵΠI) T, OIKϵ. ϵΠI T, OIKϵ s’exprimant en έπί τ(ῶν) οίκε(ιακῶν)
έπί τῶ οίκειακῶν est une expression souvent traduite par les spécialistes en « intendant de la maison », et connue ici - par les mêmes spécialistes - comme la qualification d’un fonctionnaire (parmi d’autres) qui a la « charge d’administrer les biens privés de l’empereur ».
A ce stade, nous lisons donc : Seigneur, aide ton serviteur Basile, protospathaire impérial, administrateur des biens privés de l’empereur
En quatrième ligne, nous lisons : TO (Γ ou Π ?) O (bribes d’un T ?)Nota : un très petit cristal de quartz laiteux, incrusté dans le plomb du sceau, fait obstacle à la lecture d'un Π en masquant sa jambe avantIn fine, nous retenons TOΠOT comme partie de (S) TOΠOT(ϵP)
A cet égard, nous nous inspirons de la lecture de différents revers dont le suivant qui appartient à la collection Dumbarton Oaks :
https://www.doaks.org/resources/seals/byzantine-seals/BZS.1955.1.739/view
(S) TOΠOT(ϵP) s’exprime sous la forme (καὶ) τοποτ(ερητῃ)
καὶ τοποτερητῃ se traduisant par « et topotèrètès de »
A ce stade, nous lisons donc : Seigneur, aide ton serviteur Basile, protospathaire impérial, administrateur des biens privés de l’empereur et topotèrètès de…
En cinquième, et dernière ligne, doit normalement être exprimé le lieu d’exercice de la dernière fonction citée. Or, nous n’y lisons que Tω : une bribe bien trop restreinte et insuffisante pour nous orienter sur un lieu précis, et certain.
Une suggestion : peut-être avons-nous affaire à un autre sceau - mais un peu différent - du même sigillant « Basile » que celui cité précédemment (cf. le sceau de la collection de Dumbarton Oaks) :
https://www.doaks.org/resources/seals/byzantine-seals/BZS.1955.1.739/view
Jean Luc
Nota : j'ai beaucoup lu les ouvrages du Père V. Laurent, et beaucoup apprécié les travaux de JC Cheynet ; voir ici un exemple de papier sur les topotèrètès and co à la fin de l'empire : https://www.persee.fr/doc/rebyz_0766-5598_1984_num_42_1_2156?h=gabras&h=th%C3%A9odore